Auteure de la loi sur les directeurs d’école, la députée Cécile Rilhac s’apprête à déposer une proposition de loi “créant le statut d’Établissement Public Local d’Enseignement Primaire” (E.P.L.E.P.)...

À la lecture de la proposition de loi (disponible en intégralité en bas de l’article), nous alertons les collègues sur les points suivants :

La création d’une nouvelle entité

L’article 1 de la proposition de loi donne la possibilité aux communes et aux Établissements Publics de Coopération Intercommunale (E.P.C.I. - structures administratives permettant à plusieurs communes d’exercer des compétences en commun) “d’ériger en établissement public scolaire primaire toute école maternelle, élémentaire ou primaire. Ils peuvent également regrouper plusieurs écoles pour constituer un tel établissement”. Pour cela, ils n’ont pas besoin de l’aval des conseils d’école concernés. Les dépenses des écoles restent à la charge des communes.
La création d’un E.P.L.E.P., entité qui disposerait d’une personnalité morale, impliquerait de fait la création d’un statut de chef·fe de cet établissement, proposition massivement rejetée par les enseignant·es lors des différentes consultations ministérielles et syndicales.

De très grands changements pour les conseils d’école

La proposition de loi fait apparaître un déséquilibre important et inquiétant dans la répartition lors du vote des prochains conseils d’école (conseil d’école à l’image des conseils d’administration d’établissements du 2nd degré).
Nous ne serions plus majoritaires.

Le futur conseil d’école comprendrait 13 membres de droit : 

Le directeur de l’établissement
Deux représentants de la ou des communes ou du ou des E.P.C.I.
Quatre représentants élus des personnels de l’école dont trois au titre des personnels enseignants et un au titre des personnels non-enseignants
Quatre représentants élus des parents d’élèves
Deux représentants des élèves.

L’inspecteur d’académie ou son représentant, l’inspecteur de l’éducation nationale de la circonscription à laquelle est rattaché l’établissement participerait, à sa demande et avec voix consultative, aux réunions du conseil d’école.

Le délégué départemental de l’Éducation nationale serait membre de droit du conseil d’école avec voix consultative.

Le conseil d’école pourrait déléguer certaines de ses attributions au conseil des maîtres.

Ce nouvel organisme de décision pose de nombreuses questions.

Nous le disions plus haut, les enseignants seraient minoritaires.
La participation au Conseil d’école fait partie des obligation de service. Que feraient les collègues qui n’assistent pas au conseil d’école ?
Quid de la présence des élèves et de la responsabilité induite ?

Et sur les décharges ?....

Le texte améliore à la marge la décharge des directeurs d’école en attribuant une décharge complète à partir de 10 classes (au lieu de 12 actuellement).

Si ce point satisfait l’une de nos revendications, quid de l’immense majorité des écoles qui se situe en-dessous de ce seuil et qui sont celles dans lesquelles les directrices et directeurs ont actuellement le plus de besoins temps et dans lesquels ils en ont le moins....

Et l’aide administrative

La proposition de loi prévoit aussi, pour tout E.P.L.E.P. de 18 classes et plus, une aide administrative “telle que définie par l’article 3 de la loi 2021-1716 du 21 décembre 2021”.

Cantonner cette mesure aux seules écoles de plus de 18 classes ne concernerait qu’1,4% des écoles publiques françaises ! Alors que la proposition de créer un poste d’aide administrative est une demande massivement exprimée par la profession.

Les pôles éducatifs territoriaux

Ces “pôles éducatifs territoriaux” réuniraient les acteurs publics et associatifs œuvrant dans les domaines de l’éducation, du sport et de la jeunesse, sur le modèle des cités éducatives ou des territoires éducatifs ruraux. Les contours de ces sont peu définis dans la proposition de loi. Ils nous font craindre une éventuelle extension de la responsabilité des directeurs et directrices sur les différents temps de l’enfant, notamment hors scolaires (pause méridienne et temps périscolaires notamment).

L’analyse de la FSU-SNUipp 78

La proposition de loi ne donne aucun moyen supplémentaire réel aux écoles. Bien au contraire… La finalité est de diminuer le nombre d’écoles pour faire des économies !!!

La Cour des Comptes ne cesse de défendre l’idée de réduire fortement le nombre d’écoles et de mettre de vrais chefs d’établissement. Depuis 2010, elle a multiplié les recommandations en ce sens avec une grande constance. Sur le papier, alors que 90% des écoles ont moins de 10 classes et 35 000 sur 55 000 moins de 6, on doit pouvoir réunir dans de grandes écoles primaires beaucoup plus d’élèves et faire des économies.

À ce jour, l’Association des Maires de France (A.M.F.), qui a été auditionnée par Cécile Rilhac, se dit défavorable à une telle proposition de loi, ce qui en compromet fortement l’avenir.

Une consultation menée par le ministère en 2020 montre que les écoles ne demandent pas de manager ou de regroupement. Elles demandent des aides administratives et du temps de décharge.

La création d’un statut d’établissement ne constitue en aucun cas une reconnaissance des collectifs de travail. Cette reconnaissance passe au contraire par des salaires réévalués et situés à minima dans la moyenne des pays de l’O.C.D.E., une formation sur temps de travail en appui de notre liberté pédagogique, une baisse significative des effectifs par classe, des dispositifs d’aide aux élèves les plus en difficultés renforcés… Ce qui implique le choix de sortir du sous-investissement chronique que subit le 1er degré depuis des décennies.

Loi Rilhac 2 : le retour d’un statut d’Établissement Public Local d’Enseignement Primaire

Loi Rilhac 2 : le retour d’un statut d’Établissement Public Local d’Enseignement Primaire